Comment harmoniser les outils numériques de suivi médical pour des soins plus connectés ?

29/04/2025

Interopérabilité : le maillon manquant pour des soins fluides

En santé, l’interopérabilité désigne la capacité des systèmes informatiques, des appareils et des applications à échanger et utiliser des données de manière fluide. Ce concept est crucial dans un contexte où les professionnels de santé manipulent une pluie d’informations issues de divers logiciels (dossiers médicaux électroniques, applications de suivi à domicile, télésurveillance, etc.). Pourtant, selon une étude du Journal of the American Medical Informatics Association, près de 60 % des professionnels de santé estiment que l'absence d'interopérabilité est l'un des principaux obstacles à une coordination efficace des soins.

Si l’interopérabilité est si complexe à atteindre, c’est notamment en raison de l’hétérogénéité des logiciels, souvent développés indépendamment les uns des autres. De plus, les données médicales elles-mêmes sont parfois enregistrées dans des formats différents, rendant leur partage et leur exploitation difficile.

Adopter des standards ouverts : une première étape pour simplifier les échanges

Une solution clé pour favoriser l’interopérabilité repose sur l’adoption de standards ouverts. Les standards ouverts comme HL7 (Health Level Seven) ou FHIR (Fast Healthcare Interoperability Resources) sont des formats universels qui permettent de structurer et d’échanger des données de santé entre systèmes. Ces standards constituent un langage commun qui garantit que les outils numériques "parlent" la même langue, quels que soient les fabricants.

Voici quelques avantages concrets de ces standards :

  • Facilitation de la transmission des informations : par exemple, les résultats d'examens cliniques d'un patient peuvent être directement intégrés dans le dossier médical électronique (DME) d’un établissement, quelle que soit l’origine du logiciel utilisé.
  • Réduction des erreurs : l’automatisation des échanges limite les erreurs de transcription ou les pertes d’informations.
  • Amélioration du suivi des soins : un parcours de soin plus fluide favorise une meilleure prise en charge des patients, notamment dans les situations complexes telles que les maladies chroniques.

Le déploiement de ces standards est d’ailleurs encouragé par des institutions comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et des programmes nationaux comme le Health Data Hub en France.

Les plateformes d’intégration : des passerelles technologiques indispensables

Même avec des standards ouverts, il est parfois nécessaire de recourir à des outils complémentaires pour assurer la compatibilité technique entre différents systèmes. C’est là que les plateformes d'intégration peuvent jouer un rôle essentiel. Ces solutions agissent comme des hubs de connectivité qui centralisent les échanges de données entre les divers outils numériques utilisés dans un établissement, ou entre des organisations différentes.

Par exemple, une plateforme d'intégration comme InterSystems HealthShare ou Mirth Connect peut harmoniser les flux de données entre un logiciel de gestion d'EHPAD et un système de télémédecine. Voici comment elles fonctionnent :

  1. Elles collectent les données issues de plusieurs sources (DME, solutions de téléconsultation, objets connectés).
  2. Elles transforment ces données au format requis par chaque système.
  3. Elles assurent la synchronisation et l’actualisation en temps réel.

Cela peut notamment bénéficier aux soignants en leur évitant d’avoir à jongler entre plusieurs interfaces ou de ressaisir manuellement des informations administratives ou cliniques.

La cybersécurité : un impératif pour des échanges sécurisés

Assurer la compatibilité entre différents outils de suivi médical ne peut se faire au détriment de la sécurité des données. Les données de santé, classées comme sensibles, doivent être protégées contre les risques de cyberattaque et d’accès non autorisés. En 2022, la CNIL rapportait que les incidents liés aux violations de données de santé représentaient 20 % des cyberattaques déclarées en France, ce qui illustre l’importance de prendre ce sujet au sérieux.

Pour garantir une intégration sécurisée des outils, plusieurs approches sont recommandées :

  • Utiliser des protocoles de cryptage : les données en transit, comme lors des échanges entre deux plateformes, doivent être chiffrées pour empêcher leur interception.
  • Mettre en place une authentification renforcée : les accès aux outils numériques doivent être protégés par des systèmes tels que l’authentification multi-facteurs (MFA).
  • Respecter les réglementations sur la protection des données : en Europe, cela inclut notamment le RGPD et les normes HDS (Hébergeurs de données de santé).

Ces mesures, alliées à une sensibilisation des utilisateurs à la sécurité informatique, garantissent que l’intégration des outils se fait sans compromettre la confidentialité des données des patients.

Les projets de santé connectée : vers une compatibilité à grande échelle

Au-delà des solutions techniques, des initiatives globales sont également nécessaires pour renforcer la compatibilité entre les outils de suivi médical. Plusieurs projets internationaux ou nationaux sont en cours pour structurer ces échanges :

  • Le projet SNDS (Système National des Données de Santé) en France : il centralise l’ensemble des données de santé des citoyens pour permettre des analyses épidémiologiques et des transferts d’informations entre établissements, tout en respectant des standards unifiés.
  • Le réseau My Health Record en Australie : qui propose un dossier de santé numérique unique et interopérable, accessible à tous les professionnels autorisés et aux patients eux-mêmes.
  • L’initiative Global Digital Health Partnership (GDHP) : un réseau mondial qui favorise la collaboration entre pays pour définir des frameworks d’interopérabilité communes.

Ces projets montrent que les solutions pour une meilleure compatibilité ne s’arrêtent pas uniquement au niveau technique, mais nécessitent aussi une concertation entre tous les acteurs de l’écosystème de la santé numérique.

Le défi humain : accompagner le changement

Harmoniser les outils numériques de santé ne se limite pas à la technologie ou à la réglementation. L’un des plus grands défis reste la gestion du changement auprès des utilisateurs. Les soignants, gestionnaires d’établissements et autres professionnels doivent être formés et accompagnés pour adopter ces nouvelles méthodes de travail.

Des programmes de sensibilisation, des formations continues et des supports d’assistance technique jouent un rôle clé dans ce processus. Car, après tout, c’est grâce à leurs retours et à leur expertise pratique que les outils numériques pourront véritablement répondre aux besoins du terrain.

Vers une nouvelle étape de l’intégration numérique

La question de la compatibilité entre différents outils de suivi médical est un défi incontournable pour garantir la fluidité des parcours de soins et améliorer la coordination au profit des patients. En s'appuyant sur des standards ouverts, des plateformes d’intégration, des protocoles de cybersécurité et des initiatives globales, les établissements de santé et les professionnels disposent aujourd’hui de nombreuses ressources pour répondre à cet enjeu.

Mais au-delà des solutions techniques, il est essentiel de ne pas négliger le facteur humain. L’intégration réussie de ces outils repose sur une collaboration étroite entre tous les acteurs de la santé numérique : industriels, pouvoirs publics et utilisateurs finaux. Car c’est ensemble que nous pourrons transformer ces dispositifs en véritables catalyseurs de progrès.

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