Domotique en établissements médico-sociaux : clés d’une intégration réussie pour le bien-être des résidents

26/09/2025

Une révolution silencieuse au service des seniors

Les technologies domotiques s’immiscent discrètement dans le quotidien des établissements médico-sociaux (EMS), transformant la façon dont confort, sécurité et autonomie des résidents sont abordés. S’il y a dix ans, la domotique évoquait surtout des maisons intelligentes pour particuliers, aujourd’hui elle s’invite dans de nombreux EHPAD, résidences autonomies et foyers d’accueil médicalisés. Selon la DREES, près de 25 % des établissements français déclaraient être engagés dans des projets de transformation numérique incluant la domotique en 2022 — et la tendance s’accélère.

Qu’entend-on par technologies domotiques en EMS ?

Le terme « domotique » regroupe l’ensemble des technologies destinées à automatiser, contrôler ou surveiller l’environnement physique d’un bâtiment afin de gagner en confort, sécurité et efficacité énergétique. En EMS, cela recouvre :

  • La gestion automatisée de l’éclairage et du chauffage
  • L’ouverture/fermeture à distance de portes et volets
  • Les systèmes d’appel malade nouvelle génération
  • La détection de mouvements et de chutes
  • Les capteurs de présence et d’inactivité
  • La téléassistance et la gestion intelligente des accès

Exemples d’installations : badge ou bracelet connecté qui ouvre la chambre, lit médicalisé équipé de capteurs pour prévenir les soignants si un résident fait une chute, éclairage automatique du couloir en cas de déplacement nocturne, gestion centralisée du chauffage ajustée pièce par pièce selon l’occupation.

Quels bénéfices concrets pour les résidents ?

La domotique n’est pas un simple gadget : elle permet une amélioration très tangible du confort de vie. Les bénéfices majeurs déjà observés dans de nombreux EMS comprennent :

  • Sécurité : La vidéosurveillance des parties communes et la détection de chutes ou d’errance permettent d’agir rapidement. Plusieurs études démontrent une réduction de 30 à 40 % du temps d’intervention lors de chutes détectées automatiquement (étude ANAP 2021).
  • Confort quotidien : L’éclairage adaptatif (ex. : lumière qui s’allume automatiquement au lever nocturne) limite le risque de chutes tout en améliorant l’autonomie. Le pilotage du chauffage ou de la climatisation pièce par pièce offre un bien-être individuel, peu répandu auparavant.
  • Respect de l’intimité et de l’autonomie : Les solutions non intrusives, comme les capteurs de mouvements sans caméra dans les chambres, garantissent une surveillance discrète. Le résident garde le contrôle d’un certain nombre de paramètres.
  • Lien avec les proches : Certains systèmes permettent aux familles d’être notifiées en temps réel de certains événements (via appli ou SMS), ce qui rassure et crée un climat de confiance.

Du projet pilote à la généralisation : étapes clés de l’intégration domotique

Réussir l’intégration de la domotique ne se résume pas à l’achat de matériel. L’expérience montre l’importance d’une approche globale, en plusieurs étapes :

  1. Audit des besoins réels : Collaboration entre soignants, responsables techniques, résidents et familles pour lister des attentes précises. Certains établissements, comme la résidence « Le Valois » à Chantilly, ont organisé des ateliers participatifs avant tout investissement.
  2. Choix des solutions adaptées : Essayer plusieurs fournisseurs et s’assurer de l’interopérabilité. L’exemple du CHRU de Nancy, où le système d’appel malade a été relié à la gestion d’accès connectée, a montré l’importance d’une vision « éco-système ».
  3. Formation du personnel et accompagnement des résidents : Beaucoup d’échecs sont dus à un manque de formation. Des établissements pilotes (source : projet SEDOM, Occitanie) ont choisi des « ambassadeurs domotique » parmi les soignants et résidents pour tester et expliquer les nouveautés.
  4. Suivi et évaluation continue : Indispensable pour mesurer les impacts et ajuster les usages. L’outil de pilotage doit remonter des données fiables (nombre de chutes détectées, temps d’intervention, alertes relevées, etc.).

Zoom sur quelques solutions courantes et retours d’expériences

Depuis cinq ans, certaines solutions s’imposent progressivement :

  • Appels malades intelligents : Les solutions comme Ascom ou Televic permettent de localiser précisément l’origine d’une alerte et diminuent de 20 à 25 % les fausses alertes comparativement à l’ancienne génération (CNSA, 2022).
  • Détection de fugue ou d’errance : Le bracelet ou badge connecté, en particulier pour les unités Alzheimer (FEHAP – Fédération des Établissements Hospitaliers & d’Aide à la Personne), combine sécurité et autonomie. Une étude menée au CH de La Rochelle a mis en évidence une réduction de 50 % des fugues déclarées après un an d’utilisation.
  • Capteurs de mouvement sans effet « big brother » : Les caméras thermiques ou capteurs infrarouges sans image bénéficient d’une meilleure acceptation. En Alsace, le projet « Vivre chez soi » a montré une meilleure acceptabilité par les résidents ainsi qu’une baisse du stress chez les familles.
  • Automatisation des contrôles environnementaux : Le pilotage centralisé des stores, fenêtres ou chauffage permet d’adapter la température ou la ventilation selon l’état de santé du résident (source : Observatoire Domotique et Santé, 2023).

Défis rencontrés et facteurs de succès

Intégrer la domotique en EMS suppose de franchir plusieurs obstacles :

  • Coût initial : L’investissement est important – en moyenne de 1 500 euros à 3 000 euros par chambre sur les grosses installations (source : CNSA 2021) – mais il s’amortit sur quelques années grâce à la réduction des accidents et à l’optimisation du travail du personnel.
  • Interopérabilité : Beaucoup d’EMS se retrouvent avec des systèmes fragmentés. Le choix d’une solution ouverte et évolutive est central.
  • Acceptation humaine : Certains professionnels expriment des craintes de « désincarnation » du soin, et des familles s’inquiètent de l’intrusion. La pédagogie est donc primordiale.
  • Protection des données : Le RGPD impose une gouvernance très stricte, notamment pour les informations collectées sur les comportements des résidents.

Parmi les facteurs de réussite, les établissements ayant impliqué les parties prenantes dès les premiers choix, publié une charte d’utilisation claire et assuré un retour d’expérience régulier sont aussi ceux qui constatent les meilleurs résultats, selon l’enquête du Réseau Francophone des Villes Amies des Aînés.

Quels impacts concrets sur le travail des soignants ?

L’arrivée de la domotique a modifié le quotidien des équipes. D’un point de vue organisationnel :

  • Anticipation : Les alertes précoces permettent d’agir avant la survenue d’un incident majeur (activité nocturne inhabituelle, périodes d’inactivité prolongée…).
  • Réduction des rondes inutilement intrusives : Grâce aux capteurs, les soignants évitent des réveils intempestifs, ce qui améliore la qualité du sommeil des résidents et la relation de confiance.
  • Gain de temps : Les déplacements sont réduits, les accès sont mieux organisés (exemple : commande centralisée d’ouverture de portes pour personne à mobilité réduite).
  • Meilleure traçabilité : Les actions et interventions sont historisées, ce qui facilite l’analyse des incidents et la communication avec les familles.

Regards vers l’avenir : vers une domotique prédictive et personnalisée

L’intégration domotique n’en est qu’à ses débuts : l’intelligence artificielle laisse espérer des systèmes prédictifs capables, par exemple, d’anticiper les risques de chute grâce à l’analyse des courbes de mouvements ou d’adapter automatiquement l’ambiance lumineuse selon les troubles cognitifs. Les projets impliquant la réalité augmentée pour la rééducation (projet pilote à la Fondation Partage et Vie) ou les robots compagnons s’inscrivent déjà dans certaines stratégies d’innovation.

Au-delà de l’enjeu technologique, l’adaptabilité, la co-construction avec les résidents et la prise en compte des nouveaux modèles familiaux restent déterminantes. Il s’agit de penser la domotique comme un levier pour rendre les EMS plus accueillants, inclusifs et adaptés aux attentes d’une nouvelle génération de seniors, de plus en plus familiers du digital.

Sources : DREES, CNSA, Observatoire Domotique et Santé, FEHAP, ANAP, Réseau Francophone des Villes Amies des Aînés, Fondation Partage et Vie.

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